BRAQUO 4 - Geoffroy THIEBAUT

Dernier jour de tournage pour « Roland Vogel »

Tournage à « LA SANTÉ »

Dernière destination: La Santé

LA SANTÉ

Promenade pour Vogel avant sa disparition

Décor – Maison d’arrêt – La Santé

Au bout de la 4ème et ultime saison, Roland Vogel doit disparaître et mourir brûlé vif, tel que c’est écrit dans le scénario.

BRAQUO 4: Scénario: fin de Roland Vogel

DEUX HEURES DU MAT

Le réalisateur Xavier Palud me propose si je donne mon assentiment bien entendu, si je veux bien me « faire cramer », à la place du cascadeur. C’est une blague ??? « Du moins pendant les huit premières secondes de la prise juste pour démarrer la séquence » m’explique -t-il. Ainsi il pourra filmer mon « vrai » visage et non celui de ma « doublure » ce qui facilitera le montage définitif. Seconde d’hésitation – j’accepte volontiers de me prêter à cette expérience unique. Sous les conseils avisés et surtout indispensables du cascadeur, Sébastien LABIE, dans un premier temps je me dois absolument d’endosser sur mon corps nu: un tee-shirt et un caleçon long qui a été au préalablement imprégnés d’un gel glacé très résistant aux assauts des flammes. Ensuite je dois me vêtir d’une combinaison que l’équipe badigeonne entièrement de cette même substance. Ensuite je mets des gants en latex couleur chair, de la forme de mes doigts et de mes mains, qui ont été auparavant eux aussi humidifiés. Après cette longue préparation qui durera plus d’une heure, je finis par m’habiller de mon costume de scène qui a été ignifugé afin qu’il puisse s’enflammer rapidement. Installé dans mon fauteuil roulant, je suis enfin prêt. On m’enduit une dernière fois sur tout le visage de cette matière gelée, très endurant au feu protégeant ainsi toute ma tête.

L’équipe au grand complet s’affaire aux derniers réglages. C’est l’heure maintenant de tourner. Tout le monde (production, techniciens, acteurs…) est venu spécialement pour assister « en direct » à ma mort, du moins ou plus exactement, à la mort de Roland Vogel. Ou pour me voir tout simplement… Comme-ci ils allaient assister à quelque chose d’unique et en être les privilégiés…

SILENCE SUR LE PLATEAU…

MOTEUR DEMANDÉ!

La caméra et le son « tournent ».

Tension sur le plateau.

Ultime recommandation du cascadeur me glissant à l’oreille : ‘ surtout tu n’oublies pas de bien mettre ta tête en arrière lorsque nous t’aspergerons avec les bonbonnes d’extincteurs pour éteindre le feu car le produit hautement toxique ne doit toucher ton visage et en aucun cas doit rentrer dans tes yeux. On te donnera un top ».

J’en mène pas large et me demande finalement si j’ai eu raison d’accepter cette folle épreuve. Impossible de faire machine arrière, il est trop tard.

Aucune inquiétude à avoir me dit-on! j’ai beau le savoir même si tout a été soigneusement répété et pensé, n’empêche que je pétoche ce n’est pas mon job, alors je repense à tous ces acteurs qui bien souvent par bravoure préfèrent faire leur propre cascade sans passer par une doublure… Ainsi je songe et revois notre Jean Paul Belmondo Nationale qui a fait bien pire que ça… Si on lui avait demandé de le faire je suis sûr qu’il aurait foncer…

ACTION!

crie le réalisateur. Un des cascadeurs s’approche avec un chalumeau, commence par enflammer mes chaussures. En quelques secondes, les flammes lèchent mes jambes. Très très vite elles montent, grimpent jusqu’à la hauteur de mes yeux… Pour les besoins de la scène, le réalisateur me demande d’hurler de douleur. Je ne me fais pas prié, je le fais automatiquement, presque spontanément. L’instant est surréaliste, on ne sait plus si c’est de la réalité ou de la fiction tellement la scène est criante de vérité. Frissons, sueurs froides, malgré la chaleur sur le plateau dû aux flammes qui m’ont maintenant complètement embrasées. Les huit secondes s’écoulent… interminables… On propulse, on déverse tout le contenu des deux extincteurs sur tout mon corps. Je me souviens surtout de bien mettre ma tête en arrière lors de l’extinction.

Tout a été parfaitement orchestré. Sous les applaudissements, le réalisateur jubile. Tout le monde s’inquiète de moi… Je laisse planer le mystère… Et je réponds fièrement « impeccable »… Soulagement de certains… La prod en premier j’imagine… Xavier me propose de faire une 2ème prise afin que la caméra soit dans un autre axe. « C’est comme le saut en parachute me dit-il « si tu n’y retournes pas tout de suite tu ne serais plus jamais capable de le faire ». Bien sûr je vais faire ça une fois par semaine, ça me procure tellement de plaisir … Me prendrait-il pour un con ou pour l’homme torche? Contre toute attente, j’accepte de renouveler l’opération. Toujours est-il qu’il faudra patienter encore une heure supplémentaire pour recommencer et me réinstaller dans les mêmes conditions.

Toute l’équipe est ravie, tout le monde me remercie de ma prestation qui assez unique en son genre. Pour moi, ce sera l’une de mes plus riches et palpitantes expériences que je garderai imprimées dans ma mémoire.

Cette cascade reste une des plus impressionnantes et rappelons le toujours aussi dangereuse.