AZNAVOUR


Je gamberge … je mouline … huit ans que maman est partie jour pour jour … je ne peux oublier cette date … je suis un peu plus triste chaque année en cette période … tout se brouille dans ma tête … souvenirs d’enfance … J’me souviens que ma mère adorait l’entendre … mon père en était fou … ils l’écoutaient tous les deux sur l’électrophone ces vinyles si usés qui craquaient de les avoir tant écoutés … et moi je m’en imprégnais sans le savoir …

Nous le croyions immortel, qu’il ne s’éteindrait jamais …

La nuit dernière c’était au tour de l’invincible Aznavourian ..

Je lis tout ce que je peux de vos hommages de vos témoignages que vous lui avez adressé maintenant qu’il est là haut … je ne me lasse pas de découvrir que pour chacun d’entre vous, d’entre nous il a permis de nous forger tant de souvenirs …

Il a tant serré de mains … DANS le monde entier … DU monde entier … des plus grandes stars aux personnes les plus démunies …
voici en quelles circonstances j’ai pu recevoir les siennes… c’était si peu pour lui … mais pour moi … c’est des moments comme ceux là que j’aime tant mon métier …

C’était l’année 92
– Nous jouions « Georges et Margaret » au théâtre des Bouffes Parisiens … notre Jean Claude Brialy vient nous embrasser dans nos loges comme il le faisait chaque soir et juste avant l’une de ces représentations il nous dit avec ses yeux coquins espiègles « Ce soir mes petits enfants il y a mon ami Charles, Charles aznavour dans la salle alors ne me faites pas honte, je compte sur vous… » et Danielle Darrieux si charmante, si mutine de répondre « mais mon cher Jean Claude ça tombe bien, c’est pas toi qu’il est venu voir c’est nous, Nous qu’il vient applaudir pas toi » … et c’est ainsi, qu’après l’une de nos meilleurs représentations ( puisque nous avions joué pour lui ce soir là ) il est venu nous saluer chacun dans notre loge … moi le parfait inconnu à ces yeux, timide balbutiant comme un débutant bref autiste devant ce monument il me serre chaleureusement mes deux mains que je lui tends fébrilement avec maladresse et humblement en les gardant , comme pour me rassurer peut être, il me dit avec cette voix que j’ai tant entendu et qui me fait frissonné:

« qu’est ce que vous m’avez fait rire jeune homme, voilà une soirée qui m’a fait oublié mes soucis actuels… continuez Geoffroy … »

Je n’ai guère dormi cette nuit là, vous pensez, fier et si heureux transporté d’avoir pu croiser l’homme aux mille chansons qui m’ ont tant fait vibré …
aujourd’hui je continue de chanter ces succès sur mon scooter ou lors des dîners-soirées avec mes potes, avec ses paroles qui nous collent tant à la peau je les fredonnent et l’on finit par entonner en coeur ses refrains avec toujours autant de vigueur d’admiration et de nostalgie … et nous continuerons encore et encore… jusqu’à ce que nos enfants nous remplacent et qu’ils reprennent ses succès à leur tour …

Qui a dit que tu étais mort Charles ? On tourne on joue quand ensemble ?

Laissez moi rêver maintenant … à tes côtés … j’imagine que bcp d’amis doivent se bousculer pour t’accueillir ce soir, ils t’attendent pour certains depuis si longtemps… pour d’autres c’était hier … ils sont si heureux de te retrouver ils te tendent et ouvrent leur bras pour t’enlacer… mais si tu croises ma maman, cher Charles j’en serais un peu moins triste – elle doit être dans la foule des anonymes parmi tes si nombreux admirateurs admiratrices – embrasse la bien bien FORT de ma part … elle me manque tant … comme toi déjà … MERCI …